LAMB OF GOD – « VII : Sturm Und Drang » by Nikkö

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Il est des épreuves qui marquent un homme à tout jamais. Fin juin 2012, Randy Blythe, frontman de Lamb of God est arrêté à l’aéroport de Prague et incarcéré. Il est mis en cause dans la mort d’un fan poussé hors de scène lors d’un concert à Prague deux ans plus tôt (il faut dire que depuis le meurtre de Dimebag Darrell sur scène par un fan désaxé, les metalleux sont un peu nerveux des qu’un aficionado envahit la scène). Il sera libéré sous caution deux mois plus tard puis jugé non coupable mais responsable en mars 2013 puis acquitté en appel trois mois plus tard.
Sa détention dans les geôles tchèques ont profondément influencé le nouvel album du groupe, « VII : Sturm und Drang » (« VII : Storm and Stress », une des trois époques majeures de la musique classique).
L’album entre dans le dur direct avec « Still Echoes », qui retrace un pan de l’histoire de la prison de Pankrác (son lieu de détention), notamment quand celle-ci était sous le contrôle des nazis. La première phrase fait référence aux exécutions massives à la guillotine (2000 en deux ans), instrument de mort que les Allemands tenteront de dissimuler à la fin de la guerre en la jetant dans la rivière. Une chanson engagée dans la lignée de brûlots écrits auxquels le groupe nous a habitués par le passé.
Le troisième morceau, « 512 », dont le titre correspond à son numéro de cellule (une partie des titres a été écrite en prison) traite du changement radical de mentalité opéré en prison par instinct de survie. La musique est plus oppressante, pesante.
Le quatrième morceau, « Embers », est sans conteste le meilleur de l’album, et un des meilleurs de la carrière du groupe. Si on plonge durant l’album dans la noirceur et l’absence d’oxygène des abysses, durant un instant, lors de ce titre, on aperçoit cette lumière qui nous fait remonter à la surface. Cet instant de grâce, c’est le couplet de Chino Moreno (invité car Blythe est fan de Deftones). L’alliance entre le scream ténébreux de Blythe et la voix d’ange du frontman de Deftones en fait le morceau le plus chargé en émotion de l’année. Moreno prouve encore une fois sa capacité à transcender l’obscurité la plus opaque, ne serait-ce que le bref instant où il pose sa voix.
Dur après un tel monument de passer à un autre morceau tant l’envie de le passer en boucle encore et encore est forte. Le morceau suivant, « Footprints », est un coup de gueule contre l’attitude stupide, égoïste et inconsciente des touristes à la fois vis-à-vis des habitants locaux d’un endroit et de la faune et la flore environnante, comme s’ils débarquaient en pays conquis (quand on voit par exemple, la destruction d’un rituel, opéré par des tortues pour leur survies, par des touristes abrutis qui voulaient se prendre en selfie avec, le tout à cause de tour opérators peu scrupuleux, on se dit que Blythe est visionnaire).
Le sixième titre « Overlord », est lui aussi une curiosité. Il s’agit du premier morceau du groupe avec une voix claire. Une power ballad en somme (non, n’ayez pas peur, faire du Scorpions, c’est pas le genre du groupe), et finalement, ça fonctionne plutôt bien, même de la part d’un groupe identifié notamment par le scream/growl de son chanteur, reconnaissable entre mille.
« Anthropoid » marque le retour de la thématique tchèque, en rendant hommage à un groupe de ciitoyens qui tentèrent de supprimer le nazi Heydrich, le Boucher de Prague.
« Engage the Fear Machine » et « Delusion Pandemic » est un diptyque sur les médias, le premier traite de la culture de la peur opérée par les médias sur les consciences, quand le second dénonce le culte de la stupidité sur Internet.
Enfin, « Torches », qui invite Greg Puciato des Dillinger Escape Plan, rend hommage à un étudiant tchèque qui s’est immolé par le feu est et devenu un symbole de la dissidence pendant le Printemps de Prague. Contrairement à « Embers », la voix claire de l’invité est plutôt utilisée en back pour donner un peu de relief et ne joue pas du coup sur le contrepied.
Les 10 titres de « VII : Sturm und Drang »forment un tout relativement homogène, avec « Embers » cependant, qui sort du lot. La production n’est pas au niveau de ses prédécesseurs, et l’album est en-deçà de « Ashes of the Wake », « Resolution », ou « Wrath ». Mais Chris Adler est toujours aussi bon derrière les fûts (même si on n’a pas ce jeu subtil qu’offrait, par exemple, le morceau « Laid to Rest »), et le jeu des guitaristes Mark Morton et William Adler, et du bassiste John Campbell, est toujours efficace. Quant à Randy Blythe, il fait ce qu’il fait de mieux, à savoir des vocaux éraillés illustrant des lyrics toujours autant travaillés. Depuis l’époque du bourrin « Burn the Priest », Lamb of God a nuancé ses propos et gagné à maturité, et cet opus ne fait pas exception. Au milieu de la grosse actualité metal 2015 (Iron Maiden, Slayer, Fear Factory, Deftones, ainsi que de gros all star albums), le dernier effort de bande à Blythe fait tout de même figure de morceaux de choix. SI l’aventure a failli tourner court en 2013, on ne peut que montrer le plus grand respect pour ce retour en force.

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